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Simplification et abdication

 

Cher Franck,

 

C’est toujours un peu gênant, enfin j’utilise le mot « toujours » et je le regrette déjà, cela pourrait donner l’impression que j’ai l’habitude et que je banalise cet instant, mais crois-moi, ce « toujours » est plutôt lié à une représentation que je me suis construite à propos de cette situation plutôt qu’à un authentique vécu antérieur, et ceci essentiellement parce que j’aime lire, enfin je dis que j’aime lire, je me demande souvent si c’est vrai, si j’apprécie vraiment la lecture ? c’est peut-être juste de la frime, ou pire une forme de boulimie, un déguisement du manque, mais bon, le fait est qu’à une époque j’ai lu pas mal de textes un peu sentimentaux, mais réputés écrits avec élégance et subtilité, surtout des Allemands, je dirais volontiers avec « psychologie » si je n’étais sûre que ce mot-là résonne comme une injure à tes oreilles si pragmatiques (d’ailleurs c’est marrant parce que pour mes oreilles à moi, c’est le terme « pragmatique » qui ressemble à une grossièreté) et donc le « toujours » dont je viens d’user en début de lettre m’a été soufflé par le fait que j’ai déjà vécu des moments similaires, mais uniquement par procuration, puisque je ne t’apprends rien en te disant que lorsqu’on lit on s’identifie parfois (ou souvent ?) aux héros, dans mon cas aux héroïnes – surtout quand elles sont belles et désespérées – enfin cher Franck, ce que je trouve « toujours » gênant et en particulier là, maintenant, tout de suite, c’est que – je ne vais pas continuer à tourner autour du pot, bien que j’adore ça, contourner, détourner et aussi retourner, et pas que les pots – enfin nous y voilà, pardonne-moi (ou pas, c’est toi qui verras), c’est effectivement « gênant », mais voilà : je ne t’aime pas, pas du tout, et pour être précise, tu me dégoûtes, il y a un truc dans le bas de ta bouche qui pend et qui me répugne, sans compter que parfois quand tu respires, il y a un bruit qui pourrait ressembler à la respiration d’un porc asthmatique stressé par un long trajet en camion, mais en pire, car quand toi tu émets ce son, j’ai envie de te frapper, tandis que le pauvre cochon me ferait pitié lui, et puis surtout, et crois-moi, j’en suis désolée, mais ta verge pue, comme souvent chez les mâles, et là je ne parle pas de livre, mais de vécu, mon père par exemple, mais aussi le voisin, avaient une queue à l’odeur aigre et méchante, une odeur qui fait qu’après y avoir goûté, ma vie a un goût de vomi, enfin je dis tout cela pour te faire comprendre que si j’ai fait mes bagages ce soir et que la maison est vide, ce n’est absolument pas parce que tu vas voter Fillon, (bien que j’insiste encore une dernière fois en te répétant que je trouve cela profondément nul, bête, pathétique).

Voilà, j’imagine bien que tu trouveras ma lettre un peu compliquée et longue, sache pourtant que j’ai fait un gros effort de concision. Porte-toi bien.

 

Elsa

 

PS : pour ta verge, ne te tracasse pas, ce n’est qu’un avis personnel, d’autres femmes apprécieront certainement.

 

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FPC, le 16 mars 2017

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