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Passion et compassion 

 

Je suis comme une truie qui pleure devant un couteau, je t’aime en bavant.

Relève-moi.

Je suis comme la chienne écrabouillée par le tracteur, je t’aime en gémissant.

Secoue-moi.

 

Je te prends en photo quand tu dors et enregistre tes ronflements que je passe en boucle toutes les nuits où enfin tu n’es plus là. Je collectionne tes rognures d’ongles. Je découpe l’aisselle de tes vieux T-shirt et les glisse dans ma taie d’oreiller. Je lèche la planche où tu as uriné.

 

Tu es l’eau d’un robinet de ville, je te bois en grimaçant.

Assainis-moi.

Tu es la glace noire d’un lac de montagne, je te touche en tremblant.

Rassure-moi.

 

Hier quand tu es parti, j’ai trouvé un long poil, noir et frisé, sur le matelas, je l’ai enroulé trop serré autour de mon majeur, puis l’ai finalement glissé entre mes molaires, inférieures et gauches. Comme moi.

Il y est toujours. Je le touche avec ma langue.

 

Il est la distance qui colorie mon insuffisance.

Liquidons-le.

Il est l’absence qui réjouit mes errances.

Tuons-le.

 

Je me regarde dans la glace. Je me demande si je suis encore moi, alors je répète à voix haute mon propre prénom. Je vois ma bouche bouger. Et j’entends ma voix trop rauque.

 

Nous sommes de la chair inquiète, en baisant.

Quitte-moi.

Nous sommes de la viande insatisfaite, en parlant.

Lâche-moi.

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FPC, le 30 juillet 2017

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