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Des boulons dans ma yourte

À Romain Bouteille

 

Tout a commencé il y a 2 ans lorsque l’heure de la retraite a enfin sonné pour moi. J’avais bien réfléchi à la question de mon logement et je n’ai pas été pris au dépourvu. J’avais demandé à mon ami Jean-Pierre et il m’a autorisé, bien sûr, à monter ma yourte sur un terrain qu’il possède au fin fond de l’Ariège. Mais moi, vous me connaissez, je n’ai pas pensé le moins du monde à demander les autorisations prévues par la loi Alur (pour l’accès au logement et un urbanisme rénové).

 

« La loi Alur introduit la notion de résidence démontable constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs. Elles sont définies par des installations sans fondation disposant d’équipement intérieurs et extérieurs comme des sanitaires, une salle d’eau, une cuisine, une système d’assainissement autonome pouvant être autonome par rapport aux réseaux. C’est-à-dire qu’une commune n’est pas tenue de raccorder un tel habitat aux réseaux d’eau et d’électricité alors que c’est une obligation si elle accorde un permis de construire. Enfin par l’occupation plus de 8 mois par an en tant que résidence principale, l’habitat et tous les équipements étant facilement et rapidement démontables.

L’aménagement de terrains bâtis ou non bâtis, pour l’installation d’au moins deux résidences démontables créant une surface supérieure à 40 m² est soumise à l’obtention d’un permis d’aménager. Ces terrains sont en principe situés en zone constructible mais peuvent être autorisés à titre exceptionnel dans des zones naturelles, agricoles ou forestières par une modification du plan local d’urbanisme.

Cette disposition est nouvelle (avril 2015 pour le décret d’application), son application pratique est à suivre. Pour être utilisé en dehors d’un terrain constructible, son réel intérêt, ce dispositif nécessite la modification du plan local d’urbanisme qui est une démarche très longue. Seules les mairies volontaires le permettront sur des terrains précis.

Elle ne remet pas en cause les dispositions précédentes.

Sources Code de l’urbanisme, Articles R111-51R421-19 paragraphe m, L444-1 et L151-13 »

Sans doute dénoncé par un « bon ami » de Jean-Pierre, qui n’en manque pas, je reçois alors la visite surprise de la DDT. Ces abrutis me disent sans rire : « Pour habiter dans une yourte plus de 8 mois par an un permis de construire est nécessaire. Il faut respecter la réglementation thermique 2012 dite RT2012. En résumé : une étude thermique complète est obligatoirement réalisée par un thermicienspécialiste et donne lui à une attestation de conformité à joindre à la demande de permis, un minima de 1/6ème de surfaces vitrées par rapport à la surface habitable, une étanchéité à l’air très importante, confirmée par une test réalisé par un spécialiste, l’étanchéité à l’air est à prendre en compte pour l’installation électrique, la plomberie, la fumisterie, le poêle, l’habitat ne doit pas consommer plus que 50 kWh par an et par m² pour le chauffage, l’éclairage, la ventilation, le refroidissement. Cette valeur est adaptée en fonction de la zone climatique et de l’altitude, le chauffage est obligatoirement conforme à la RT2012, avec un rendement important, le recours aux énergies renouvelables est quasi obligatoire, et un contrôle du chantier est imposé pour vérifier que les éléments prévus par l’étude thermique soit bien en place.

À partir de 170 m² (150 m² à partir du 01/03/17) de surface habitable cumulée entre les différents bâtiments créés, le recours à un architecte est obligatoire.

Quel que soit le projet et le cas de figure, un minimum de contraintes sont à respecter concernant l’hygiène et la sécurité : assainissement, eau et électricité : si le projet n’est pas raccordé aux réseaux publics, il faut démontrer que ces points ont été traités, que l’accès à l’eau potable, l’assainissement des eaux usés et une fourniture minimale en énergie permet de garantir un habitat salubre et respectant les règles d’hygiène. L’accès au terrain doit permettre aux secours de se rendre sur place. L’entretien du terrain prend en compte les risques de feux de forêts. »

Et la DDT a classé le terrain en zone inondable au bout de seulement dix minutes sur place, sans avoir effectué la moindre mesure ». Quoi qu’il en soit, ils m’ont enjoint de démonter ma yourte.

Mais moi j’ai refusé d’obtempérer. Ce qui ne m’a pas empêché pas de demander un certificat d’urbanisme et de commander une étude du terrain auprès d’un cabinet d’hydrologues. Le temps que celle-ci soit menée, j’ai demandé à la DDT d’attendre avant que le dossier de sa yourte soit examiné par la commission départementale pour la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). J’ai obtenu l’accord de la DDT mais celle-ci n’a pas respecté sa parole et la commission a donc refusé mon certificat d’urbanisme. Et je le regrette d’autant plus forts que l’étude que j’ai commandée stipule que « le terrain est dans une zone non inondable pour crue centennale » !

J’ai d’autant plus l’impression de m’être fait avoir qu’à ce jour, je n’ai toujours pas pu obtenir le compte rendu de la CDPENAF me concernant. Depuis, la DDT a rendu un deuxième avis défavorable, en contestant l’étude que j’ai fait faire et en expliquant que l’article du Code de l’urbanisme autorisant les yourtes a été abrogé. Or, le nouvel article reprend exactement les mêmes termes que le précédent, et je dénonce, pour ma part, un abus de pouvoir de l’administration, celle-ci me réclamant des documents dont elle n’a pas besoin pour examiner ma demande de certificat d’urbanisme.

Au début de cet été, nouvelle visite des gendarmes. Le chef m’a dit :

— En 2015, vous avez implanté une yourte sur un terrain sans avoir de certificat d’urbanisme, et, surtout, vous avez maintenu votre habitation lorsque ledit certificat lui a été refusé.

Moi, je leur ai répondu :

— Peut-être bien, mais la DDT se livre à un abus de pouvoir !

Et je leur ai expliqué le pourquoi du comment, leur faisant clairement part de mon intention de rester là. Pour l’heure, je les attends de pied ferme. Encore heureux que j’aie pu trouver cette vieille chambre à air dans la décharge voisine et couper une fourche dans le cerisier pour me faire une belle fronde ! Mais merde ! Je n’ai presque pas de cailloux et j’ai oublié d’en chercher d’autres.

J’ai tout juste le temps d’aller à la quincaillerie de Foix chercher une livre de boulons. Et les gendarmes, ils trouveront à qui parler !

Librement adapté de l’article de la Dépêche du Midi.

Guy Mathez

Le 12 novembre 2017 à 10h00

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