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Pureté et liberté

 

 

Il avait dit : sois immonde, allez, vas-y. Il avait dit : allez, essaye, essaye de me dégoûter. Il avait dit : t’y arriveras pas, t’es trop pure. Il avait dit : on dirait Heidi. Il avait dit : tant de pureté ça frôle le ridicule et pourtant tu n’es que grâce et charme. Il avait dit : c’est pour ça que je ne te lâcherai jamais, tu es mon petit ange. Il avait dit : je ne me lasserai jamais de toi.

 

J’ai tout préparé avec diligence. Mes idées s’additionnaient dans un festival bien organisé. De la minutie. Je me suis déshabillée. J’ai commencé par mon pubis, je l’ai anti-épilé, c’était un concept nouveau rien qu’à moi, j’ai enlevé ce qu’on laisse et laissé ce qu’on enlève. Au final, j’avais un cercle de poils autour d’une vulve rouge et pendouillante. J’ai observé le résultat avec un miroir, c’était affreux et ridicule. Je n’avais pas rasé mes aisselles depuis plusieurs semaines. Après tout, c’était l’hiver. La veille au soir, j’avais mangé un paquet de pruneaux. Le matin, comme espéré, j’avais eu une diarrhée vivifiante que j’avais déféquée dans un petit seau. J’y ai plongé les mains et ai enduit mes dessous de bras de merde liquide. Je me suis essuyé les doigts sur mes cheveux châtains. J’ai toujours aimé le ton sur ton. À nouveau, j’ai immergé mes mains dans le seau et ai étalé son contenu sur mes fesses, mon cul de statue grecque, qu’il avait dit. L’odeur me plaisait. Pour mes seins, j’ai retrouvé le soutien en dentelles écru qu’il m’avait offert exactement un an auparavant. J’ai coupé les poches pour que mes tétons ressortent et les ai couverts de ketchup. Quant à mon visage, je l’ai maquillé simplement avec classe, comme d’habitude, comme il l’exige.

 

J’ai dressé la table, avec des bougies, une jolie nappe et des serviettes avec des cœurs rouges. J’ai sorti la grande assiette en argent hérité de sa grand-mère et suis allée au garage récupérer un chat écrasé que j’avais ramassé sur le bord de la route la veille. Il puait légèrement. Je l’ai déposé sur le plat et ai mis le plat au milieu de la table. J’ai tamisé les lumières, mis un disque de Chopin et me suis servi un grand verre de Dalmore Grand Reserva que son frère lui avait offert. C’était mauvais. J’ai vidé le reste sur mes pieds. Puis je me suis assise dans son fauteuil.

 

Il avait dit qu’il rentrerait plus tôt ce soir. Il avait dit que la Saint-Valentin, c’était sacré. Il avait dit que je méritais toute son attention. Il n’a pas menti, il est déjà là, j’entends ses pas dans l’escalier. Je me demande s’il va enfin me laisser tomber.

 

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FPC, le 15 février 2017

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