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Monsieur le Maréchal

 

-          Belle journée pour mourir, Monsieur le Maréchal adjoint aux armes à feux !

-          J’en suis fort heureux pour vous !

-          Oui, la journée semble belle, c’est une belle journée pour mourir ! Yolanda m’a dit que je serai pendu à 18h.

-          Sacrée Yolanda, je voulais vous réserver la surprise. Mais puisqu’elle n’a pas pu tenir sa langue, autant vous le confirmer. Oui, pendu. Oui, à 18 heures.

-          Quelle heure est-il ?

-          Il est 9h30. Entendez-vous les cloches de l’école communale ?

-          Les cloches sonnent souvent quand on pense à la mort. Le saviez-vous, Monsieur le Maréchal adjoint ?

-          À qui le dites-vous ? Les cloches sont une calamité.

-          Puis-je vous avouer, Monsieur le Maréchal adjoint, soudain je n’ai guère envie d’être pendu ce soir. Je ne nie pas que la mort me terrorise. La savoir si proche est une torture et un ravissement. Ma mort, ma mort à moi dans un peu plus de 8 heures. Pouvez-vous réaliser cela ?

-          Allons, quelle importance maintenant ? Ne l’avez-vous pas hurlé des jours durant « A quoi bon vivre si la mort ne me libère pas ! Ma mort, mon amie, mon tout possible, viens arracher cette réalité, viens, mort où es-tu ? » ? Un tel discours ! A-t-on jamais entendu de telles idioties ? Mais voilà, vos cris ont résonné dans tout le palais. Le roi vous a entendu et ça l’a distrait. Il a souri. Son précepteur permanent a noté qu’il s’agissait du sixième sourire de Sa Majesté depuis qu’il remarche.

-          Depuis soixante ans, le roi n’a pas souri plus de 6 fois ?

-          Il s’agit là d’un terrible secret que je peux bien vous confier.

-          Savez-vous qu’il fut un temps où mon sourire faisait pleurer les enfants ?

-          Je l’ignorais.

-          J’aime beaucoup les enfants. Avez-vous des enfants, cher Maréchal adjoint ?

-          Ma femme a 5 enfants. Je suis leur père.

-          J’ai moi-même 3 filles. Pourriez-vous les avertir une fois que j’aurai été exécuté ?

-          Tiens, je vous croyais seul au monde.

-          Je suis seul au monde.

-          Avec le temps, la solitude devient une force. Parfois la plus belle chose chez un être humain, c’est sa solitude. Je vous promets d’avertir vos filles. Comment puis-je les retrouver ?

-          Elles vivent toutes les trois à Pont-aux-Roses, dans la vallée de l’Ypon. Elles portent mon nom.

-          Que dois-je leur dire ?

-          Dans l’éternité, je vous serai reconnaissant de faire comme bon vous semble. Pensez-vous vouloir mourir un jour aussi ?

-          Je n’ai pas cette intention, le présent et la vie me suffisent. Je refuse le reste. Le néant est un luxe abstrait, … à moins qu’il ne soit glacial et méchant.

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Thérèse Kiri, le 19 janvier 2017

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Thérèse Kiri, littesite, tueur sur site
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