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Le fardeau de Spiralune

 

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Avec :

Chador, le chat sauvage sans domestique

Rrain, l’ours de la pluie

Russ, la renarde aux poings de soleil

Et Spiralune, la demoiselle escargot au lit trop lourd à porter

 

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Il était une fois Spiralune, une charmante petite demoiselle escargot, toute de nacre habillée.

Elle vivait dans une immense forêt dont elle n’avait jamais trouvé la sortie. Ce n’était pourtant pas faute d’essayer.

Tous les jours, elle grimpait le long d’un arbre et, perchée le plus haut possible sur les branchages qui touchaient le ciel, Spiralune tentait de repérer un horizon qui ne soit plus de feuilles.

Spiralune dépensait beaucoup d’énergie à cette activité car elle ne se séparait jamais de son lit.

Elle montait donc avec son lit, redescendait avec son lit, passait d’un arbre à l’autre avec son lit. Quel fardeau !

Et plus Spiralune grandissait, plus le lit s’élargissait et devenait lourd…

Un jour qu’elle s’était reposée sur la fourche formée par deux branches de hêtre, elle sortit de son lit pour entreprendre la descente avant la nuit et aperçut à l’embranchement de l’étage inférieur un chat noir qui ne dormait que d’un œil.

Spiralune était une demoiselle très polie, alors elle dit de sa plus belle voix :

– Bonjour, Messire Chat ! Permettez-vous que j’emprunte la branche sur laquelle vous vous appuyez ?

Le chat étira ses pattes et ouvrit en grand ses mâchoires ornées de dents pointues.

Spiralune se replia sous la couette, ne laissant dépasser que ses deux yeux nacrés.

– Êtes-vous un méchant ? demanda-t-elle d’une voix mal assurée.

– Mais non, charmante créature, je ne suis qu’un chat sauvage sans domestique : « Chador » pour vous servir ! Et comment vous appelle-t-on, chère escargotine ?

– On m’appelle « Spiralune », monsieur Chador.

Les présentations étant faites, Chador proposa de bon cœur à Spiralune de grimper sur son dos pour redescendre, ce qu’elle accepta volontiers.

En trois bonds, ils furent au pied de l’arbre.

Continuant à discuter, Spiralune apprit qu’un chat « sans domestique » était un chat qui préférait vivre sans être servi par les humains et que Chador avait volontairement quitté cet état confortable pour vivre en plein air. Spiralune ne connaissait pas les humains mais savait qu’ils étaient dangereux. Elle ne comprenait pas comment un chat arrivait à s’en faire obéir et se dit que Chador devait être un personnage important.

Puisqu’elle était en présence d’un grand monsieur qui savait tant de choses qu’elle ignorait, Spiralune osa demander un conseil à Chador : son lit était encombrant, et lourd, et la retardait dans sa quête, mais il lui était indispensable pour se reposer en toute sécurité, elle était si petite et si fragile, alors comment faire pour alléger son fardeau ?

Chador réfléchit en passant une patte derrière son oreille. Il ne savait que répondre. Lui, n’avait pas besoin d’emporter son lit et s’il avait envie de se reposer au chaud, il lui suffisait d’entrer dans une maison où on lui offrait une place confortable et un bon repas.

Or les escargots ne se déplacent pas assez vite pour parcourir d’aussi grandes distances qu’un chat. Chador savait tout cela et voyait bien qu’un escargot serait malheureux auprès d’un feu.

– Je connais deux grands sages qui habitent au cœur de la forêt. Ce sont mes amis, dit Chador. Je vais leur demander d’examiner ton problème.

– Oh, merci beaucoup Chador ! Et Spiralune embrassa joyeusement son nouvel ami.

 

Chador réapparut le lendemain. Spiralune avait gravi un nouveau hêtre et un tremble et se reposait au pied d’un cormier. Elle préférait escalader les arbres à écorce lisse car les écorces fissurées ralentissaient sa progression.

Chador était suivi de deux étranges inconnus, énormes et bruyants. Spiralune prit peur et se cacha sous son lit.

– Spiralune, sors ! Ce sont les amis dont je t’ai parlé ! miaula Chador à la coquille.

Spiralune libéra un œil inquiet.

– Je te présente Rrain, l’ours de pluie, et Russ, la renarde aux poings de soleil ! continua Chador.

– Bonjour-moi-c’est-Spiralune, fit Spiralune d’une toute petite voix intimidée. Et elle se dépêcha de grimper sur le cormier pour ne pas risquer se faire écraser. L’écorce était fissurée, mais la peur donne du courage.

Lorsqu’elle fut à hauteur des nouveaux arrivants, elle se sentit enfin en confiance pour expliquer son problème.

Rrain hochait sa grosse tête en regardant Russ.

– C’est pourtant bien pratique d’avoir toujours un endroit où se retirer. Moi, je ne supporte ni le trop chaud, ni le trop froid, et si je reste trop longtemps sous le soleil, je fais pleuvoir. J’aimerais bien avoir ma caverne à côté de moi, mais la tirer derrière moi, non, elle serait trop lourde !

– Moi aussi j’aimerais avoir mon terrier près de moi, reprit Russ, car si le sol est trop mouillé mes pattes se mettent à chauffer et font des étincelles. Mais comme le dit Rrain, ce serait trop lourd à traîner !

– Alors, comment faire ? s’inquiéta Spiralune. Suis-je condamnée à porter mon fardeau où que j’aille ?

– Tu pourrais laisser ton lit dans un endroit et n’y revenir que le soir, suggéra Chador.

– Mais je n’avancerais jamais ! s’écria Spiralune. Et je voudrais tant voir le vaste monde…

Ses trois nouveaux amis furent bien embêtés.

– Mais alors, comment faire ?

Tout le monde sait que les cormiers sont des arbres à fées. L’une d’elle entendit la conversation et donna son avis.

– Construisez une maison légère que vous transporterez sur votre dos et que vous pourrez déposer à votre guise, leur conseilla la fée.

Les amis se regardèrent avec le sourire.

– C’est une bonne idée. Quand j’aurai mes renardeaux, je pourrai rester à proximité pour les surveiller tout en chassant. Et s’il se met à pleuvoir, il y aura toujours un abri où mes pattes seront au sec, dit Russ.

– Et moi, renchérit Rrain, s’il fait trop chaud ou trop froid, la maison pourra m’accueillir avant que la pluie se déclenche et que je sois mouillé. Il faudra penser à climatiser l’intérieur pour régler la température.

Chador ne disait rien mais il pensait qu’avec une maison qu’on transporte, il aurait toujours un coin au chaud entre ses deux compères.

Même Spiralune se mit à rêver qu’elle pourrait laisser parfois son lit dans la maison.

– Construisons une maison qui se transporte ! dirent-ils tous en cœur.

– Avec plein de coins ! ajouta Spiralune. Parce que dans mon lit je n’ai pas un seul coin où ranger mes souvenirs.

Ils se mirent aussitôt au travail, secondés par les fées qui leur indiquèrent où trouver les planches les plus légères.

Rrain dressait les planches, Russ clouait, Chador installait la climatisation et Spiralune essuyait la poussière.

Bientôt une jolie maison apparut avec à l’intérieur tout le confort indispensable. Près de la porte, ils avaient installé des plantes vertes pour Spiralune qui craignait l’air trop sec. Sous le plancher, ils avaient inséré un bâti pour que Rrain puisse porter la maison sur son dos. Les fées avaient offert des girouettes pour décorer l’extérieur et quelques lanternes pour éclairer la terrasse.

Les quatre amis s’entendaient à merveille et se réjouissaient d’entreprendre un grand voyage sans craindre les intempéries.

Au moment de partir, pendant que Rrain chargeait la maison et que les fées venaient faire leurs adieux à la petite troupe, un paon sorti de nulle part s’invita en promettant à tous de raconter des histoires aux veillées et de servir de messager en cas de besoin.

Ainsi, la petite caravane voyagea. Russ restait à l’abri sous la maison que portait Rrain, Chador ronronnait sur la ventilation qui ronronnait sous le chat, Spiralune ne grimpait plus aux arbres que sur le dos de Chador pour vérifier qu’ils allaient dans la bonne direction, pendant que le paon racontait des histoires.

Parfois, juste pour s’amuser, Rrain faisait tomber la pluie, Chador rentrait à l’abri, et Russ laissait des étincelles derrière elle pendant que Spiralune dansait sur la terrasse. Il n’en fallait pas plus pour les rendre heureux.

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Titi Kiki, le 29 décembre 2016

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Titi Kiki
Spiralune
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